Benoît Conort
Deux poèmes
extraits de
Cette vie est la nôtre
c’est
toujours les enfants qui tombent dans les piscines
les
rivières celui-là
tout
habillé tout ligoté il est tombé bien sûr on a dû le
pousser
le
diable pour savoir qui ça bataille ferme dans les media
tout
le monde participe au match on ouvre les paris
depuis
longtemps oublié
le
petit corps ruisselant d’eau rigide quand on l’a sorti
de
l’eau
on
l’a oublié depuis longtemps oublié l’intéressant c’est
les
vivants le papier qu’on peut gratter
les
enfants c’est pas grave on peut en faire
à
la douzaine il suffit d’arrêter la pilule où calcule spon-
tanément
le
moment le plus favorable ça vient tout seul l’amour
ça
se débite naturellement c’est une denrée
avant
on disait de la chair à canon mais de nos jours dans
nos
contrées les canons c’est juste pour les défilés
dans
nos contrées les canons on se juche dessus les soirs
de
grande victoire dans les grands stades les canons ils
sont
ailleurs
ils
tirent ailleurs les canons dans des pays où de toute façon
les
enfants s’ils meurent c’est d’autre chose c’était déjà avant
la
guerre de faim de maladie
dans
des pays où les enfants c’est pas grave ils en font
tant
ils ne font que ça
les
enfants à la pelle ils les font et c’est à la pelle qu’ils les
enterrent
plus
tard c’est à la pelle qu’ils creusent
fosses
communes en lieux communs si communs ils
tombent
ensemble
de
machettes en bombes ils tombent c’est beau un
enfant
qui tombe
en
tombeau commun on y pense puis on oublie
envoi
un
peu de terre sur si petites chairs un peu de terre il
suffit
de si peu pour recouvrir ces corps si peu pour
oublier
un
jour une main
toute
petite de la terre
a
dépassé une main s’est tendue s’est repliée une main a
pleuré
toutes les larmes de son corps une main a replié
ses
doigts une main est devenue poing une main a
pleuré
sans larme ni sang une main a gémi
frères
humains qui après nous vivez le croirez-vous
tous
ces mouvements de pelle ils ne résonnent pas sur les
chairs
dévorées
frères
humains ne nous pardonnez pas
nous
n’avons nulle excuse qui après nous vivez
même
si le remords c’est toujours la femme tondue et le
vain
cœur et c’est l’enfant tombé
sur
le chemin de jungle c’est l’enfant mutilé au creux
d’une
vallée de mosquées en églises de temples en syna-
gogues
c’est l’enfance violée
dans
les bras du vieil art on l’appelle la guerre
in cette vie est la nôtre © Edition Champ Vallon